(Publié le 11 mars 2013 dans La Presse)
(Bombay, Inde) - Les bourreaux indiens reprennent du service. Depuis trois mois, deux détenus ont été exécutés dans le pays. C'est autant qu'au cours des 20 dernières années. D'autres condamnés pourraient passer à la potence très bientôt. Un moyen pour le gouvernement de plaire à une opinion publique avide de vengeance contre les terroristes et les violeurs.
"Rendez-nous justice, pendez les violeurs!" Lors de la vague de manifestations déclenchée par le viol collectif d'une étudiante dans un autobus de New Delhi, en décembre, c'est ce message que brandissaient à bout de bras plusieurs jeunes citoyens en colère.
Après l'exécution, en novembre, d'Ajmal Kasab, seul survivant du commando suicide qui a pris en otage le centre-ville de Bombay durant deux jours en 2008 et fait plus de 160 morts, les familles des victimes se sont dites "heureuses". La rue, elle, explosait de joie.
Idem lorsque le Cachemirien Afzal Guru a été pendu dans le plus grand secret, le 9 février, pour son implication dans l'attaque contre le parlement indien en 2001. Une implication qui n'avait pourtant pas été démontrée hors de tout doute raisonnable lors de son procès, qualifié d'"injuste" par plusieurs militants des droits de l'homme et journalistes d'enquête.
À un an d'une élection générale qui s'annonce très chaudement disputée, l'exécution de ces deux "terroristes" a été largement perçue par la presse indienne comme un geste populiste de la part du parti au pouvoir.
Décision politique
"Il est clair que, quoi qu'en disent les spin doctors du Congrès, la pendaison d'Afzal Guru était une décision politique visant à mettre du plomb dans l'aile de [Narendra] Modi", leader en vue du parti fondamentaliste hindou BJP, a écrit le journaliste Rahul Pandita dans l'hebdomadaire Open. Comme d'autres commentateurs, Pandita accuse le président Pranab Mukherjee de traiter les nombreuses demandes de grâce selon les intérêts de son parti plutôt que ceux de la justice.
Au début du mois, Mukherjee a décidé d'autoriser la peine capitale pour les violeurs dans les cas où la victime meurt ou demeure dans un état végétatif à la suite du crime.
Alors que le procès de cinq accusés pour le viol collectif d'une étudiante dans un autobus de la capitale bat son plein, cette mesure - qui doit être adoptée par le Parlement pour devenir permanente - tombe à point pour apaiser la grogne populaire devant le sort des femmes dans le pays.
Exécutions à venir
Il y a deux semaines, le président Mukherjee a refusé la demande de grâce de quatre hommes accusés d'un attentat qui a coûté la vie à 22 policiers en 1993.
Actuellement, quelque 475 détenus se trouvent dans les couloirs de la mort en Inde. Une vingtaine attend une commutation de peine de la part du président, dont trois personnes impliquées dans le meurtre du premier ministre Rajiv Gandhi en 1991.
Meenakshi Ganguly, directrice de Human Rights Watch pour l'Asie du Sud, s'inquiète de la fin de ce moratoire officieux sur les exécutions. Elle note que loin de dissuader les terroristes, l'application de la peine capitale a plutôt pour effet d'en faire des martyrs et d'exacerber les tensions politiques, comme ce fut le cas au Pakistan et au Cachemire après les pendaisons de Kasab et de Guru. Selon elle, la "joie" d'une bonne partie de la rue indienne à la suite des dernières exécutions ne doit pas servir à justifier la peine capitale.
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