jeudi 24 juillet 2008

Entrevue à «Sans détour»

Une entrevue sur la Russie et les Russes que j'ai donnée à l'émission «Sans Détour», avec François Bugingo, le 23 juillet 2008. Cliquez ici.

samedi 19 juillet 2008

Les jeunes marginaux dans le collimateur des députés russes

Article publié dans La Presse le 18 juillet 2008 et sur cyberpresse.ca

Frédérick Lavoie
La Presse
Collaboration spéciale
Moscou
Les députés russes ne savent plus que faire pour prouver leur utilité et leur patriotisme au tout-puissant tandem Vladimir Poutine-Dmitri Medvedev. Leur nouvelle cible: les jeunes marginaux trop influencés par la mode et le style de vie occidentaux.

Le mois dernier, les parlementaires russes de la Douma (Chambre basse) ont proposé un projet de loi pour remettre la jeunesse sur le droit chemin. Leur but: faire des ados russes de bons patriotes.

Les députés estiment que le pays ne doit plus tolérer dans les écoles les accoutrements noir et rose des «emo», qui, selon ce qu'ils en savent, écoutent de la musique mélancolique et ne pensent qu'à s'ouvrir les veines. Les «gothiques», adeptes d'un autre mouvement venu des États-Unis, devront aussi enlever maquillage et habits sombres.

Plus question non plus de célébrer dans les établissements scolaires les fêtes «empruntées» à l'Occident comme l'Halloween et la Saint-Valentin.

Dans sa forme actuelle, le projet interdirait les tatouages et les perçages aux mineurs, sauf les boucles d'oreilles pour les filles. Il imposerait aussi un couvre-feu dans tout le pays pour les moins de 16 ans. Les compagnies de téléphonie cellulaire devraient même censurer tout texto entre jeunes contenant des jurons.

L'un des auteurs du projet de loi est Stanislav Govoroukhine, cinéaste et député de Russie unie, le parti du premier ministre Vladimir Poutine. Il a donné le ton lorsque le projet a été présenté: «Avec la jeune génération actuelle, il n'y a déjà plus rien à faire. Elle est perdue. Il faut sauver ceux qui ont actuellement 2 ans et ceux qui ne sont pas encore nés.»

Déconnectés

Place du Manège, à une centaine de mètres à peine de la Douma, Pavlik et ses amis - qu'il a rencontrés sur l'internet pour la plupart - flânent comme tous les soirs en cachant leur alcool à la vue des policiers. En dépit de son allure nonchalante, l'écolier de 16 ans à la frange dans le visage est bien au courant de ses droits.

«Selon la Constitution, chaque personne peut exprimer ses émotions comme il le veut, même dans ses chaussures!» lance Pavlik en pointant les siennes, à semelles basses, qu'il considère comme partie intégrante de sa personnalité.

Son amie Vera, 15 ans, croit que les politiciens sont tout simplement déconnectés. «Ils sont nés dans une autre génération, sous l'Union soviétique. Ils ne comprennent pas que nous, nous avons grandi sous d'autres lois (plus libérales) et qu'ils ne peuvent pas tout changer ça du jour au lendemain.»

À parler avec Pavlik et sa bande, on comprend mal pourquoi les politiciens craignent d'avoir affaire à des antipatriotes. Le jeune homme appuie par exemple sans hésitation Vladimir Poutine: «Un vrai homme qui n'a pas peur de dire fuck aux autres pays et qui respecte les jeunes.»

Combattre l'ennui

L'hebdomadaire Ogoniok croit savoir ce qui motive avant tout les parlementaires dans leur lutte contre la marginalité. L'ennui. Pas celui des ados, mais le leur.

«Il n'y a pas beaucoup de secteurs où les députés peuvent dire quelque chose puisque la majorité des sujets relève de l'autorité directe du Kremlin ou du gouvernement», note ainsi le politologue Nikolaï Petrov, du Centre Carnegie de Moscou.

Certains «ambitieux» concoctent donc des projets de loi pour faire parler d'eux, espérant attirer l'attention du président Dmitri Medvedev ou du premier ministre Poutine, poursuit M. Petrov. Ces projets «comportent souvent une rhétorique antioccidentale et patriotique», indique le politologue, qui, rassurant, précise que rares sont ceux qui se transforment véritablement en lois.

jeudi 10 juillet 2008

Une fête de l'amour pour repeupler la Russie

Article publié dans La Presse le 9 juillet 2008 et sur cyberpresse.ca

Frédérick Lavoie
La Presse
Collaboration spéciale
Moscou

Depuis la chute de l'URSS en 1991, la Russie a perdu plus de 8 millions d'habitants. Pour contrer cet alarmant déclin démographique, les autorités multiplient les mesures pour inciter les couples à repeupler le plus vaste pays du globe. Hier, les Russes ont célébré une nouvelle fête qui vante les vertus de la fidélité et de la famille, deux vertus qui se raréfient, selon les organisateurs.

Donnez une marguerite à votre douce moitié... et faites-lui un enfant! Tel pourrait se résumer le message de la nouvelle «Fête de la famille, de l'amour et de la fidélité», célébrée pour la première fois hier dans une vingtaine de régions de Russie.

L'initiative vient de la petite municipalité de Mourom, à l'est de Moscou, qui souligne depuis 780 ans la mort de Piotr et Fevronia, les Roméo et Juliette russes, saints de l'Église orthodoxe.

Selon la légende, guéri par la paysanne Fevronia d'une morsure de serpent, le prince Piotr préféra renoncer à son royaume plutôt qu'à l'amour de sa pauvre salvatrice. Les deux amoureux fidèles seraient morts tous deux le 8 juillet 1228 et reposeraient enlacés dans le même cercueil.

Mais l'idée d'étendre la célébration à l'échelle nationale est loin de tenir du conte de fées. «C'était une nécessité, dit Aleksander Syvkov, porte-parole du comité organisateur de la fête. Il faut dire aux jeunes qu'il est important de fonder une famille.»

Démographie catastrophique

L'an dernier, la Russie a perdu 280 000 de ses 141 millions d'habitants. Une catastrophe démographique, mais un progrès tout de même considérable : deux ans plus tôt, la balance négative était trois fois plus grande.

Les mesures du gouvernement, qui a doublé les allocations familiales au cours des dernières années et accorde maintenant des primes de 10 000$ aux femmes pour un deuxième enfant, semblent avoir porté ses fruits. Le taux de natalité est passé de 10,5 à 11,7 par 1000 habitants en un an (10,9 au Québec).

Il serait certainement encore plus élevé si l'avortement n'était pas utilisé aussi souvent comme moyen de contraception : 1,6 million d'interruptions volontaire de grossesse - officiellement - contre seulement 1,5 million de naissances en 2006. L'espérance de vie des Russes reste celle d'un pays sous-développé : 72 ans pour les femmes et... 59 ans pour les hommes. Pas étonnant quand on sait que la majorité des personnes âgées doivent tenter de survivre avec quelque 150$ de retraite par mois.

Côté amour et fidélité, le constat n'est guère mieux. Durant les six premiers mois de l'année, environ 25 000 mariages ont été célébrés à Moscou. Mais 21 000 couples ont pris le chemin du divorce. Aleksander Syvkov a confiance que la fête deviendra rapidement une tradition et aidera à contrer la «tendance négative». L'appui du pouvoir n'a d'ailleurs pas tardé à venir. Le comité organisateur est présidé par nulle autre que la nouvelle première dame du pays, Svetlana Medvedeva.

Toutes les églises orthodoxes du pays ont célébré hier des messes soulignant les trois grands thèmes de l'événement. Les représentants russes des autres religions traditionnelles ont aussi apporté leur soutien à la fête, tout comme les médias officiels.

Les autorités russes ont gardé un oeil attentif sur la nouvelle fête hier. Si elles jugent que la première a été un succès, la journée pourrait bien devenir fériée dès l'an prochain... question de faciliter le rapprochement conjugal.

mercredi 2 juillet 2008

La Géorgie accusée de «terrorisme d'État»

Article publié dans le journal La Presse le 2 juillet 2008 et sur cyberpresse.ca
Frédérick Lavoie
La Presse
Collaboration spéciale
Moscou

Quatre attentats en deux jours, accusations de «terrorisme d'État»: la tension monte dans la république autoproclamée d'Abkhazie, point central de la lutte d'influence que se livrent la Géorgie pro-occidentale et la Russie dans le Caucase.

Dimanche, le centre-ville de Gagra a été réveillé par deux explosions qui ont blessé six femmes. Cette station balnéaire très prisée de la mer Noire se trouve à quelque kilomètres à peine de la frontière russe et des futures installations olympiques des Jeux d'hiver de Sotchi 2014.

Lundi, deux autres bombes ont explosé dans le marché central de la capitale Soukhoumi, blessant six autres civils, dont un touriste russe.

Le président abkhaze Serguei Bagapch a tôt fait d'accuser les services secrets géorgiens d'avoir commandité ces attentats, dénonçant un «terrorisme d'État».

Le gouvernement géorgien du pro-américain Mikheïl Saakachvili a catégoriquement nié les accusations, avançant que les auteurs sont plus probablement liés au crime organisé abkhaze.

En entrevue téléphonique avec La Presse, le vice-ministre des Affaires étrangères abkhaze Maxim Goundja se montre plus nuancé que son président. «Nous n'avons pas de preuves pour l'instant (contre les Géorgiens), reconnaît-il. Nous ne faisons que regarder la situation objectivement. Ceux qui ont commis ces attentats ont intérêt à ce que nous ayons moins de touristes», dit-il, soulignant que l'économie abkhaze repose essentiellement sur le tourisme et l'agriculture.

M. Goundja rappelle que des attentats similaires ont été commis à plusieurs reprises sur le territoire abkhaze depuis son indépendance de facto, après la guerre de sécession de 1992-1993 contre la Géorgie. Dans certains cas, les autorités abkhazes affirmaient tenir des preuves que les personnes arrêtées étaient des agents géorgiens.

Hier, l'Abkhazie a complètement verrouillé sa frontière avec la Géorgie, déjà très difficile d'accès. Au cours des dernières semaines, des incidents entre les forces de maintien de la paix russes qui y sont postés et les soldats géorgiens avaient déjà fait craindre des violences.

Mais les dommages à la fragile économie abkhaze sont déjà faits, déplore Maxim Goundja. «Plusieurs touristes russes ont déjà annulé leur séjour chez nous.»

Jeu géopolitique

De facto indépendante, l'Abkhazie n'est reconnue par aucun État, même pas la Russie, son seul allié économique et militaire.

L'indépendance du Kosovo en février et l'intention de la Géorgie de joindre prochainement l'OTAN, deux choses auxquelles s'oppose férocement Moscou, ont poussé la Russie à raffermir ses liens avec l'Abkhazie sécessionniste.

Dans cette lutte géopolitique, les autorités de la petite république indépendantiste ne jouent pratiquement qu'un rôle de figuration, souligne Marina Elbakidze, analyste de conflits à l'Institut du Caucase pour la paix, la démocratie et le développement. «La Géorgie croit que c'est avec la Russie qu'elle doit régler ce conflit» pour rétablir son intégrité territoriale.

Abkhazie
- Population: environ 250 000 habitants (plus de 90% ont la citoyenneté russe)
- Géographie: 8600 km2, longeant la côte est de la mer Noire.
- Capitale: Soukhoumi (47 000 hab.)