Article publié dans Le Figaro, le 9 juillet 2010.
Dès hier, un scientifique russe, accusé d'aider la CIA, a été transféré à Vienne.
ESPIONNAGE Moscou et Washington veulent en finir au plus vite avec le scandale qui éclabousse les relations bilatérales depuis deux semaines. Les Russes ont accepté de libérer quatre prisonniers convaincus d'espionnage pour des puissances occidentales, indiquait en fin d'après-midi le ministère américain de la Justice. En échange, les Américains devraient transférer en Russie les dix personnes arrêtées par le FBI le 28 juin dernier aux États-Unis et accusées d'avoir collaboré avec le Service des renseignements extérieurs russe (SVR). Le onzième, Christopher Metsos, a pris le large après avoir été libéré sous caution à Chypre.
Un premier échange a eu lieu dès hier. Le scientifique Igor Soutiaguine, arrêté en 1999 pour espionnage au profit des Britanniques et des Américains, a appelé son père hier après-midi pour lui confirmer son arrivée en Autriche. De là, il devait s'envoler vers Londres, escorté par un officiel britannique, où il sera libéré. Durant la nuit, la présumée espionne Anna Chapman, jolie rousse de 28 ans, devrait être, de son côté, escortée incognito de New York jusqu'à Moscou.
C'est la famille d'Igor Soutiaguine qui a révélé les tractations en cours. Un porte-parole du département d'État américain s'est limité à reconnaître que le sort des espions avait été discuté entre des représentants des deux pays. Tout comme les autorités russes. Les proches et l'avocate d'Igor Soutiaguine ont indiqué que le chercheur avait été transféré en début de semaine de sa prison dans le nord du pays vers Moscou. Les autorités russes lui ont proposé de signer un document où il confirme sa culpabilité, en échange de quoi il est gracié et expulsé du pays. Le tout s'est déroulé en présence de diplomates américains, selon la famille, qui a pu rencontrer le chercheur mardi.
Igor Soutiaguine, qui a toujours nié avoir été un espion, a indiqué à ses proches qu'il avait pu prendre connaissance d'une liste initiale de dix autres personnes qui pouvaient être échangées avec lui. Il n'a cité que quelques noms, dont ceux de Sergueï Skripal, ancien colonel du renseignement militaire russe, et Aleksander Zaporojski, ex-agent du Service de renseignements extérieurs. Selon Soutiaguine, l'idée de cet échange est venue des autorités américaines. Puisqu'aucun Américain n'est actuellement détenu en Russie pour espionnage, les prisonniers rendus par Moscou devraient tous être des citoyens russes. Aucune loi en Russie et aux États-Unis ne prévoyant un tel échange, la décision a dû être prise dans les plus hautes sphères du pouvoir.
Un processus semé d'embûches
La Maison-Blanche et le Kremlin se montrent jusqu'ici peu loquaces. Viktor Kremeniouk, directeur adjoint de l'Institut des États-Unis et du Canada de l'Académie russe des sciences, estime que « les deux pays ne veulent pas nuire à leur rapprochement » initié par Barack Obama. Kremeniouk connaît bien Igor Soutiaguine. Avant d'être arrêté pour espionnage en 1999, Soutiaguine était chercheur spécialisé en armement pour son institut. « Plusieurs des accusations à son encontre sont de la pure invention », affirme Kremeniouk.
Selon toute vraisemblance, Soutiaguine, comme les présumés espions arrêtés aux États-Unis, ne détient pas d'informations sensibles et ne représente donc pas une menace pour la sécurité nationale russe. Kremeniouk estime que la conclusion rapide de cette affaire « ne signifie pas pour autant que les relations russo-américaines ont un avenir radieux devant elles. » Le rapprochement bilatéral « sera toujours parsemé d'embûches. Il y a des gens des deux côtés, formés durant la guerre froide, qui veulent faire dérailler le processus », allusion aux conservateurs américains.
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