Article publié dans Le Figaro le 7 juillet 2010.
Версия на русском языке в Иносми.ру: Москва пытается приструнить региональных владык
Mourtaza Rakhimov, puissant président du Bachkortostan, n'est plus en odeur de sainteté au Kremlin.
C'est venu tout d'un coup, après dix-sept ans de règne sans partage sur le Bachkortostan pétrolifère (Bachkirie, dans l'Oural). Le 19 juin, la chaîne fédérale NTV, propriété du géant gazier étatique Gazprom, diffuse un reportage incendiaire sur le clan du président Mourtaza Rakhimov, 76 ans : corruption, extorsion, appropriation des biens de l'État. « Chaque oiseau bachkir doit remplir le budget de la famille Rakhimov », laisse tomber le narrateur.
Dans la foulée, les autres médias favorables au Kremlin se sont mis de la partie. Fin juin, le journal officiel Rossiïskaïa Gazeta reprenait les mêmes arguments pour discréditer Rakhimov, prévenant que « les actions de l'administration locale sont déjà tombées dans une zone d'attention particulière pour les instances policières. » Cette semaine, Rakhimov a intenté des poursuites pour diffamation contre NTV, menaçant de s'en prendre aussi aux autres médias qui mettent en doute son honnêteté.
En février dernier, Mourtaza Rakhimov avait pourtant toujours les faveurs de Moscou. Dans une interview à la même Rossiïskaïa Gazeta, il expliquait comment il comptait participer au processus de « modernisation » cher au président Dmitri Medvedev. En octobre 2006, Vladimir Poutine, alors président, avait reconduit Rakhimov dans ses fonctions. Ce que les médias « omettent » de mentionner, c'est que les malversations qui lui sont aujourd'hui reprochées datent pour la plupart d'avant cette date...
Négocier avec doigté
La question, maintenant, n'est plus de savoir si Rakhimov conservera son poste à la fin de son mandat en octobre 2011, mais s'il sera démis avant cette échéance. Depuis l'abolition des élections des dirigeants régionaux en 2004, le président russe a théoriquement tout le loisir de nommer et de renvoyer les 83 « têtes » de la fédération. La réalité est toutefois plus complexe. Comme d'autres dinosaures du pouvoir régional, Rakhimov a échafaudé une machine politico-économique qui est devenue garante de la stabilité de sa république. Pour éviter les troubles, Moscou doit donc négocier avec doigté. En janvier dernier, le président du Tatarstan, Mintimer Chaïmiev, avait demandé à ce que son mandat ne soit pas renouvelé. Il proposait comme successeur son fidèle premier ministre, voeu exaucé par le Kremlin. Depuis, d'autres potentats ont préféré la retraite dorée à la guerre contre la « verticale du pouvoir » chère à Vladimir Poutine.
Mais une autre lutte s'annonce pour le Kremlin. En décembre prochain viendra à échéance le cinquième mandat du maire de Moscou, Iouri Loujkov. Le puissant édile n'a donné aucun signe qu'il était prêt à quitter de lui-même le siège qu'il occupe depuis dix-huit ans.
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