Article publié dans Le Figaro le 10 juillet 2010.
L'échange des agents a eu lieu hier après-midi à l'aéroport de Vienne, haut lieu de l'espionnage durant la guerre froide. Mais l'esprit de suspicion qui régnait autrefois entre Russes et Américains n'était plus que l'ombre de lui- même. Le scénario écrit rapidement en coulisse par les autorités américaines et russes au cours des derniers jours s'est déroulé comme prévu.
Quelques heures après le troc, les dix espions russes arrêtés par les autorités américaines le 28 juin atterrissaient à Moscou. Ils avaient quitté New York jeudi soir, tout de suite après un procès expéditif dans lequel ils avaient tous reconnu avoir participé à une « conspiration pour agir en tant qu'agent d'un gouvernement étranger sans être dûment enregistré ».
Pendant ce temps, à Moscou, en plein milieu de la nuit, le président Dmitri Medvedev graciait quatre citoyens russes qui purgeaient de longues peines de prison, trois d'entre eux pour espionnage au profit de puissances occidentales : le scientifique Igor Soutiaguine, expert en armement, arrêté en 1999, Aleksander Zaporojski, ex-agent des services de renseignement extérieur russe, emprisonné depuis 2003, et Sergueï Skripal, ancien colonel du renseignement militaire condamné en 2006 à treize ans de prison.
Les médias russes s'expliquaient toutefois mal hier la présence de Gennady Vassilenko sur la liste des graciés. Cet ancien agent éphémère du KGB avait été arrêté une première fois en 1989, soupçonné d'avoir entretenu des liens avec la CIA, puis relâché l'année suivante. Reconverti dans la sécurité privée, il avait été arrêté et jugé à nouveau en 2006, officiellement pour possession illégale d'armes.
Durant les deux semaines qu'aura duré le scandale d'espionnage, la Maison-Blanche et le Kremlin se sont montrés avares de commentaires. Une fois le problème résolu, ils n'ont pas caché leur soulagement d'avoir su éviter l'écueil, qui aurait pu constituer un énième refroidissement des relations toujours fragiles entre les deux pays.
« Cette action a été accomplie dans le contexte général de l'amélioration des relations russo-américaines », a fait savoir clairement le ministère des Affaires étrangères russe dans un communiqué laconique publié hier matin.
Pour les Russes, l'incident d'espionnage est désormais clos. Selon eux, les liens entre Washington et Moscou pourraient même en ressortir raffermis.
Clause de confidentialité
À Moscou, experts comme officiels laissent entendre depuis le début du scandale que l'arrestation des espions visait avant tout à déstabiliser l'Administration Obama. Des éléments conservateurs dans l'appareil de sécurité américain auraient ainsi souhaité embêter le président et empêcher un rapprochement russo-américain.
Si la Maison-Blanche se réjouissait elle aussi que le scandale d'espionnage ait été résolu si rapidement, elle a prévenu qu'elle ne comptait pas baisser la garde pour autant. En interview à la télévision publique PBS, le chef de cabinet du président Obama, Rahm Emanuel, a indiqué que l'arrestation des espions « lance un signal clair, non seulement à la Russie mais aux autres pays qui voudraient essayer (d'envoyer des espions), que nous les surveillons ».
L'attention se portera maintenant vers les ex-espions et leur nouvelle vie. Vicky Pelaez, la journaliste d'origine péruvienne qui serait la seule non-Russe des 10 espions expulsés vers Moscou, hier, s'est fait offrir, selon son avocat, un logement gratuit dans la capitale russe, des visas pour ses enfants et une pension à vie de 2000 $. Elle a indiqué qu'elle comptait plutôt retourner dans son pays natal.
Mieux vaut ne pas attendre non plus sur les tablettes un récit d'espionnage signé Anna Chapman, cette belle rousse de 28 ans dont la vie privée a été largement étalée dans la presse : avant de quitter les États-Unis, les dix agents ont dû signer un document leur interdisant de révéler les détails de leur vie d'espion pour des fins commerciales.
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