Article publié dans La Presse, le 23 octobre 2009
Près du quart de ses 1500 artistes sont russes, mais le Cirque du Soleil ne s'était jamais produit en Russie. La troupe du spectacle Varekaï entame ce soir une série de 60 représentations à Moscou. Après s'être tenu à l'écart d'un pays au climat d'affaires trouble, le Cirque y voit maintenant l'un de ses marchés les plus prometteurs.
Moscou - «C'est le bon timing», assure le fondateur du Cirque du Soleil, Guy Laliberté. Déjà, la prévente des billets est encourageante: 80 000, soit environ 55 % des places disponibles. «Habituellement, dans un nouveau marché, c'est plutôt de l'ordre de 10 à 15 %», souligne-t-il.
La relation du Cirque du Soleil avec la Russie remonte à 1986, soit deux ans après sa fondation. Guy Laliberté était venu dénicher des saltimbanques dans l'Union soviétique d'alors, un pays à la grande tradition de cirque et de gymnastique. Depuis, ses chasseurs de têtes reviennent constamment dans la nouvelle Russie, en plus d'y maintenir des relations avec des écoles spécialisées.
«Il y a un talent énorme ici. Si vous regardez le ballet, le théâtre, l'art clownesque, les acrobates, les patineurs, les nageurs, les plongeurs. C'est un magasin de bonbons pour nous ici! lance Guy Laliberté. C'est un endroit où nous rêvions de venir, parce que les talents y sont. Et maintenant, il s'agit de s'assurer que les talents continueront d'émerger de ce pays, parce que nous sommes passés de l'Union soviétique à une Russie en période de transition. Le défi est de continuer à soutenir l'émergence des talents.»
La chute du communisme, qui a coïncidé avec la croissance internationale du Cirque, n'était en effet pas très propice ni aux affaires ni à la préservation des grandes institutions de formation du pays. «Il y a eu la période où on a voulu garder nos distances parce que c'était le far west ici. Aujourd'hui, c'est du passé. Un système sociopolitique a été mis en place. Le défi est maintenant de trouver les bonnes personnes et d'arriver au bon moment pour faire des affaires», explique M. Laliberté.
Justement, ces bonnes personnes, le Cirque les as trouvées.
Le Canadien George Cohon a travaillé 14 ans pour ouvrir le premier restaurant McDonald's à Moscou, en janvier 1990. Son fils Craig, lui, a ouvert la porte du marché russe à Coca-Cola. Aujourd'hui, ils sont responsables de Cirque du Soleil Rus, la compagnie qui gère les opérations du géant québécois du divertissement en Russie.
Cohon père est un bon ami du tout-puissant et controversé maire de Moscou, Iouri Loujkov. Un atout de taille. «Trente-trois ans de relations avec les Russes, de contact avec leur culture, c'est précieux», dit Guy Laliberté.
«Nous ferons de notre mieux pour que ça devienne le meilleur marché au monde pour le Cirque du Soleil, promet de son côté George Cohon, 72 ans. Pour McDonald's, c'est déjà le marché le plus rentable.»
L'aventure spatiale de Guy Laliberté dans la capsule russe Soyouz, il y a quelques semaines, a certainement marqué les esprits dans le plus grand pays du monde, mais ce n'est pas ce qui a fait grimper en flèche les ventes de billets pour Varekaï, note Craig Cohon.
«Le tournant, ça a été Eurovision.» En mai dernier, le Cirque a ouvert la finale télévisée de ce concours de chansons ultra-populaire en Europe de l'Est avec un numéro d'acrobatie.
Le Cirque du Soleil espère s'installer en Russie sur une base permanente d'ici trois ou quatre ans, en inaugurant son propre chapiteau avec un spectacle permanent. Actuellement, seuls Las Vegas, Tokyo, Macao et Orlando disposent d'installations fixes.
Mais tout en promettant d'engager une partie des revenus du Cirque dans des oeuvres sociales s'il s'installe en Russie, Guy Laliberté reste prudent. L'aventure russe de Varekaï devra montrer sa rentabilité avant de se poursuivre.
«Si nous obtenons du succès cette fois-ci, vous pouvez être certain qu'il y aura plus de spectacles du Cirque du Soleil. Nous voulons que la Russie soit l'un des pays où nous nous produisons le plus», a-t-il dit en conférence de presse mardi à Moscou.
«J'espère que ce sera le début d'une longue histoire d'amour avec le peuple russe.»
À en juger par la réponse positive du public à l'avant-première hier soir, le Cirque du Soleil est sur la bonne voie.
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