Article publié le 9 décembre dans la section Affaires du journal La Presse
Moscou - L'une des premières activités de Jean Charest au cours de sa visite officielle en Russie, entamée hier, aura été d'engloutir un hamburger au McDonald's de la Place Pouchkine, en plein centre de la capitale russe. Pas autant par goût personnel pour la nourriture de la chaîne de restauration rapide que pour souligner l'apport d'un certain George Cohon aux relations d'affaires russo-canadiennes et à sa propre compréhension de ce pays au marché prometteur.
Avant de fouler le sol russe, le premier ministre québécois a tenu à rencontrer celui qui a réussi l'exploit d'ouvrir le premier restaurant McDonald's en Union soviétique en 1990, après 14 ans d'efforts, et qui a maintenant reçu le mandat de tailler une place au Cirque du Soleil en Russie. M. Charest assistera d'ailleurs ce soir à l'une des dernières représentations du spectacle Varekai, en tournée à Moscou depuis la fin octobre.
Au-delà des succès de M. Cohon, c'est la technique de l'homme d'affaires de 72 ans, fondateur et longtemps président de McDonald's Canada, qui semble intéresser M. Charest. C'est que George Cohon, ami de Brian Mulroney et du tout-puissant maire de Moscou Iouri Loujkov, sait nouer les relations avec les bonnes personnes. «C'est un cas type de développement de relations diplomatiques par le biais des affaires», a expliqué hier le premier ministre.
Dans un pays à la bureaucratie lourde et fortement gangrénée par la corruption, les amitiés nouées entre leaders peuvent être déterminantes. «Ce que j'ai appris aussi de M. Cohon, c'est qu'il faut persister dans les relations (en Russie), avec une volonté d'y aller à long terme et d'être constant dans les relations», a dit M. Charest.
Dans un entretien avec La Presse en août dernier, George Cohon assurait que McDonald's n'avait jamais eu de problèmes avec les autorités russes, contrairement à d'autres multinationales comme la suédoise IKEA. Coca-Cola, qui a percé le marché russe grâce à Craig Cohon, le fils de l'homme d'affaires, n'a jamais été embêtée non plus.
Jean Charest, qui connaît M. Cohon depuis qu'il a été ministre d'État à la Jeunesse sous Brian Mulroney, a compris la leçon: «Moscou, c'est la pierre angulaire de la relation avec la Russie», a-t-il souligné, après la signature d'une déclaration commune avec le maire de la ville hier. Le document assurera un lien politique particulier au Québec en Russie, via sa capitale de 10 millions d'habitants. Et surtout, via son flamboyant maire.
En plus d'un long entretien hier avec Iouri Loujkov, le premier ministre québécois devrait dîner avec lui aujourd'hui dans un luxueux restaurant de la capitale, question de raffermir leurs liens personnels. Il n'a d'ailleurs pas manqué d'inviter le maire à visiter sa province et Montréal, tout juste après que M. Loujkov a souligné, sans gêne diplomatique aucune, que la relation avec la métropole québécoise et le maire Tremblay ne «marche pas très fort» depuis quelque temps.
En plus d'être maire de la capitale depuis 1992, Iouri Loujkov est marié à Elena Batourina, femme la plus riche de Russie et propriétaire d'Inteco, une entreprise de construction et d'immobilier qui détient des centaines d'édifices à Moscou et ailleurs en Russie et dans le monde.
L'homme est régulièrement accusé de corruption par ses détracteurs et concurrents économiques. Il a toutefois remporté tous les procès en diffamation qu'il a intentés contre eux, dans un pays où le système judiciaire est fortement sous l'influence du politique.
Le maire Loujkov a précisé au premier ministre Charest qu'«aucune des sociétés étrangères qui collaborent avec le gouvernement de Moscou n'a jamais perdu d'argent en Russie». Il confirmait ainsi l'expérience de son ami George Cohon, qui a ouvert le premier McDonald's en coentreprise avec les autorités moscovites il y a 20 ans. Le restaurant de la place Pouchkine est aujourd'hui l'un des plus rentables de la chaîne.
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