Article publié dans le journal La Presse le 30 janvier 2010.
(Moscou) Le président russe Dmitri Medvedev veut rajeunir les têtes dirigeantes des régions de son pays. S'il a légalement le loisir de renvoyer n'importe quel gouverneur d'un seul coup de crayon, la tâche risque d'être plus compliquée, voire dangereuse dans certaines régions explosives du pays, nous explique notre collaborateur.
Dmitri Medvedev avait jusqu'au 21 janvier pour nommer un nouveau président pour le Daguestan, république caucasienne en proie à une rébellion islamiste. Face au casse-tête, il a jusqu'à maintenant préféré le silence.
C'est que peu importe qui remplacera Moukhou Aliev, 70 ans, l'équilibre du pouvoir entre les différents groupes ethniques de cette entité de 2,5 millions d'habitants devra être repensé. Et devant une guérilla qui mène plusieurs attaques par semaine contre les forces de l'ordre, la république n'a pas les moyens de tomber encore plus profondément dans l'instabilité.
Il y a encore six ans, Medvedev n'aurait pas eu à se creuser la tête. Les dirigeants des 83 sujets de la fédération russe étaient élus par la population, au suffrage universel. Mais en 2004, dans une volonté de centraliser les pouvoirs au Kremlin, le président d'alors, Vladimir Poutine, a aboli les élections des gouverneurs et présidents régionaux.
Aujourd'hui, les candidatures sont proposées par les parlements régionaux, tous sans exception contrôlés par Russie Unie, le parti dirigé par le désormais premier ministre et toujours homme fort du pays Vladimir Poutine. Le président doit ensuite choisir parmi trois noms, dont celui habituellement du dirigeant sortant.
À la retraite
Depuis son accession à la présidence en mai 2008, Medvedev n'a renouvelé le candidat en poste que dans huit des vingt-cinq cas qui lui ont été présentés.
En janvier 2009, à la surprise générale, il a même installé à la tête de la région sinistrée de Kirov le dynamique Nikita Belykh, 33 ans. Jusqu'à sa nomination, Belykh était un farouche critique du régime en place et était souvent arrêté par les autorités durant les manifestations d'opposition.
Il y a quelques semaines, Dmitri Medvedev a annoncé qu'il ne tolérerait plus ceux qui veulent coller au pouvoir. «Quatre mandats, c'est déjà une exception rare. Désormais, nous allons faire en sorte qu'ils libèrent leur place à temps pour le travail des jeunes», a-t-il déclaré. Cette année, 13 vieux dirigeants pourraient devoir quitter leur poste.
Le président du Tatarstan, Mintimer Chaïmiev, 73 ans, a compris le message. S'il avait survécu à la chute de l'URSS en changeant simplement son titre de premier secrétaire du Parti communiste en celui de président tatar, il a préféré demander personnellement à Medvedev de ne pas renouveler son mandat en mars.
Mairie de Moscou convoitée
Le départ ne se serait pas fait sans négociation, croit toutefois Nikolaï Petrov, analyste des politiques régionales au Centre Carnegie de Moscou. «Dans certaines régions comme le Tatarstan et Moscou, le dirigeant a mis en place une véritable machine politique qui lui donne le contrôle des ressources locales. Il ne faut donc pas regarder qui part, mais dans quelles conditions et qui prendra sa place.»
À Moscou, les rumeurs se font persistantes sur le renvoi du flamboyant maire de 73 ans Iouri Loujkov, en poste depuis 1992. Mais celui dont la femme est devenue milliardaire et reine de l'immobilier de la capitale durant son règne n'entend pas laisser sa place aussi facilement.
«Il y a de grands intérêts en jeu et donc une lutte entre différents clans au Kremlin. Chacun veut placer son homme à la tête de cette ville. Loujkov tire pour l'instant avantage de ces conflits pour se faufiler», note Nikolaï Petrov. Selon lui, le maire n'attend qu'un compromis qui lui sera profitable pour quitter.
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