Article publié dans la section Vacances/Voyage du journal La Presse le samedi 9 janvier 2010.
VLADIVOSTOK, Russie - La citation de Lénine, en face de la gare ferroviaire, donne le ton: "Vladivostok, c'est loin, mais c'est tout de même notre ville." On ne peut que donner raison au leader de la révolution bolchevique. À 6400 km à vol d'oiseau de Moscou, mais à quelques dizaines de kilomètres à peine des frontières chinoise et nord-coréenne, Vladivostok est une ville portuaire profondément russe, où les influences asiatiques demeurent superficielles.
Pour les voyageurs du mythique train Transsibérien, Vladivostok, c'est le bout du monde. C'est le terminus, après un périple de près de 10 000 km dans la vaste Russie. Physiquement, on ne peut pas aller plus loin sur la terre ferme.
Du centre-ville de Vladivostok, la mer du Japon se profile au loin. Séoul est à 750 km, Tokyo à 1000 km. Respectivement à un et deux jours de bateau. L'Asie est toutefois déjà archiprésente dans les rues de la ville. Plus matériellement qu'humainement, il faut dire, hormis les quelques commerçants et touristes des pays environnants.
La quasi-totalité des voitures sont des japonaises d'occasion avec le volant à droite, même si à Vladivostok on conduit dans la voie de droite, comme ailleurs en Russie. Toutes les tentatives des fonctionnaires moscovites d'interdire ce type de voiture pour des raisons de sécurité se sont heurtées à de vives protestations de la part des habitants de la région de Primorié, qui se sentent depuis toujours incompris dans la lointaine capitale européenne.
Les bus, eux, sont sud-coréens, tout comme les pian-sé, ces gros raviolis fourrés à la viande et au chou, cuits à la vapeur et vendus dans de petits stands aux quatre coins de la ville, aux côtés des pirojkis russes. Le Milkis, la boisson gazeuse la plus populaire de Vladivostok, à saveur de lait, est tout aussi coréen. Ailleurs dans le pays, elle est totalement inconnue, comme les pian-sé.
La pénétration des produits japonais et coréens n'a toutefois aucune commune mesure avec celle du géant chinois, en expansion exponentielle. À Vladivostok, les rumeurs parlent de la location et même de la vente d'une partie du territoire de la région à la Chine.
En attendant, les Chinois se contentent d'envahir discrètement les marchés avec leurs produits. Les tigres de l'Amour en peluche, représentations de l'animal emblématique de l'Extrême-Orient russe, sont invariablement "Made in China". Les Vladivostokiens qui ne sont pas allés au moins une fois en Chine, pour faire du tourisme ou acheter des produits chinois sans payer les exorbitantes taxes douanières, sont rares.
Longtemps fermée aux étrangers
Mais, malgré cette omniprésence asiatique, Vladivostok, le "maître de l'Orient" dans la langue de Tchekhov, est russe. Il faut dire que durant 70 ans, jusqu'en 1992, la ville a été fermée aux étrangers, et que cela l'a protégée des influences extérieures. Même les non-résidants russes devaient obtenir une permission spéciale pour se rendre dans cette ville portuaire, qui accueille encore aujourd'hui la flotte russe du Pacifique. Les navires de guerre sont amarrés dans la baie de la Corne d'or, nommée ainsi en raison de sa ressemblance avec celle d'Istanbul.
Coeur maritime de la ville, la baie est entourée d'installations portuaires tantôt militaires, tantôt industrielles ou civiles. La Corne d'or n'est toutefois que l'un des nombreux endroits où la mer s'avance dans le continent, donnant à Vladivostok des allures de pieuvre montagneuse aux tentacules difformes.
Pour une meilleure vue d'ensemble sur la géographie complexe de cette ville, il suffit de monter à bord du curieux "funiculaire" - un tramway qui gravit une côte de quelques dizaines de mètres, en réalité - qui mène à un promontoire. Le coucher de soleil qui se reflète sur la baie et ses navires y est sublime.
Au centre-ville, quelques bâtiments datant du début du XXe siècle donnent un cachet presque européen à la ville. Dans les cours, on retrouve encore des traces des habitations des commerçants chinois et coréens d'avant la révolution de 1917. À l'époque, la ville était habitée par une majorité d'Asiatiques, plus tard exterminés ou déportés en Asie centrale par Staline. En périphérie, l'architecture soviétique de toutes les époques domine.
Les nombreux cafés charmants dans la rue Svetlanskaïa, l'une des artères principales, contribuent à réchauffer la ville dans le froid venteux de son rude hiver. En été, plusieurs des quelque 500 000 Vladivostokiens quittent les embouteillages et la pollution citadine pour envahir les nombreuses îles situées à quelques kilomètres du continent. Les temps changent toutefois. D'ici à trois ans, l'île Roussky, la moins éloignée, sera reliée à la cité par un pont pharaonique. Cette parcelle de terre encore en bonne partie à l'état sauvage sera mise en valeur à coup de milliards de dollars, en prévision du sommet de l'APEC de 2012. Et l'empire russe étendra s'encore encore un peu plus loin.
1 commentaire:
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