Article paru dans le journal Le Soir (Bruxelles) le 9 avril 2009.
Moscou - Après les violentes manifestations de mardi qui ont fait un mort et des centaines de blessés à Chisinau, l'heure était aux questionnements dans la petite ex-république soviétique de Moldavie. Le président Vladimir Voronine a accusé la Roumanie voisine d'être impliquée dans les troubles, y voyant une tentative du grand frère roumanophone de déstabiliser son pays. Le parquet moldave a ouvert une enquête pour tentative de coup d'Etat.
L'ambassadeur roumain a été sommé de quitter Chisinau dans les 24 heures et le gouvernement moldave a réintroduit en vitesse le régime de visa pour les Roumains. Bucarest considère ces accusations comme une « provocation » de la part du pouvoir communiste, avec qui elle n'a jamais eu de bonnes relations.
Mercredi, à peine plus de mille protestataires étaient réunis sur Piata Marii Adunari Nationale, la place centrale de Chisinau. La veille, ils étaient environ 15.000, surpassant largement en nombre les policiers déployés. Mais que s'est-il donc passé pour qu'une manifestation censée être spontanée et pacifique, selon ses organisateurs, dégénère et que des participants envahissent et saccagent le parlement et la présidence ?
Natalia Gligor a tout vu. La coordinatrice de l'ONG Promo-Lex, qui milite pour le développement de la démocratie en Moldavie, faisait partie des manifestants. Au bout du fil, la jeune femme se dit surprise : « Ce fut une réaction en chaîne. Des protestataires ont commencé à lancer des bouteilles d'eau sur les policiers, puis des oeufs et des pavés. Les policiers sont devenus agressifs. »
Natalia est convaincue qu'il y avait des provocateurs dans la foule. Une idée partagée par des chefs de l'opposition. « Ces gens-là n'avaient rien à voir avec les autres, la majorité, qui étaient descendus dans la rue pour protester pacifiquement contre le résultat des élections », dit-elle.
La semaine dernière, lors du passage du Soir à Chisinau, aucun observateur ne s'attendait à des manifestations d'une telle envergure après l'élection. L'opposition morcelée promettait de sortir dans les rues pour dénoncer les conditions injustes de la campagne électorale, alors que les communistes bénéficiaient d'une couverture avantageuse dans les médias d'État et des médias privés. Les partis d'opposition auront joué un rôle secondaire dans le mouvement de protestation.
On apprenait toutefois mercredi soir que les communistes n'ont pas obtenu la majorité nécessaire pour élire le président du pays.
Lundi, des milliers de jeunes et des membres d'ONG se sont mis à communiquer via les sites de réseau social comme Facebook et Twitter et par SMS, appelant à sortir dans les rues pour dénoncer ce qu'ils croyaient une victoire communiste. « Nous sommes allés manifester parce que c'est nous-mêmes, les jeunes, qui avons organisé cela. Pas l'opposition », explique Natalia. Bien que les partis libéraux se soient pour la plupart joints aux manifestations, aucun leader n'est sorti du lot pour unir la foule et la contenir lorsque les débordements ont commencé. Les manifestants ne portaient pas un message unifié. « Certains demandaient de nouvelles élections, d'autres scandaient "A bas les communistes !" et pour d'autres c'était "Réunifions-nous avec la Roumanie !" », dit Natalia.
Au final, les violences pourraient profiter à la principale cible des manifestants, le président Vladimir Voronine. « Le pouvoir est en train de transférer l'image de criminels vers les partis politiques d'opposition », analyse le politologue Andreï Popov.
Quant aux résultats des élections, M. Popov préfère ne pas se prononcer sur l'objectivité de la mission de l'OSCE, qui a conclu que le scrutin répondait à la plupart des normes internationales. « Il y a un sentiment dans la population que l'élection a été falsifiée, rappelle-t-il prudemment. L'Union européenne se dit qu'elle ne peut se montrer trop dure envers le pouvoir puisque ça risquerait de le pousser dans les bras de la Russie. »
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