CASABLANCA (Maroc) - Il y a des éclats d’humain sur le muret. Il y a deux heures, un homme s’est fait exploser juste là. Vous voyez? Juste là, au coin de la rue. Omar – parce qu’il avait un nom – a déclenché sa ceinture d’explosifs quelques minutes après son frère Mohamed, lui aussi sur le boulevard Moulay Youssef, en plein coeur de Casablanca. Mohamed devant le Consulat général des États-Unis, Omar devant le Centre américain des langues.
Mardi dernier, trois de leurs copains – ou du moins frères d’armes – traqués par la police dans un quartier populaire de la métropole marocaine, s’étaient aussi fait exploser. Un autre avait été abattu par balle. Trois, quatre, six, et un autre le 11 mars dans un cybercafé. Sept. Et il y a le policier qui est mort dans l’explosion de l’un des kamikazes mardi. Huit morts en un mois. Un carnage à Montréal ou à Paris. Une goutte d’eau à Baghdad.
Le bilan, de toute façon, on s’en fout. Les morts ne veulent rien dire si on ne fait que les compter. La veille, j’avais justement passé la soirée à débattre avec des journalistes marocains sur les motivations des kamikazes. Pourquoi des jeunes qui disent être de fervents musulmans se font-ils exploser alors qu’ils savent bien (ou non?) que leur acte sera dénoncé par l’écrasante majorité de leurs concitoyens et correligionaires? N’importe quel chauffeur de taxi de Casablanca vous dira que ce ne sont pas de bons, pas de vrais musulmans, ces «terroristes», que Dieu ne cautionne pas ce genre d’action. Le même chauffeur qui pourtant, lui aussi déteste les États-Unis, fait ses cinq prières par jour et ne rêve que d’aller faire son hadj, son pélerinage à La Mecque. Alors ce n’est pas l’Islam?
Tous les kamikazes étaient originaires du même quartier populaire – très populaire – en périphérie de Casablanca. À Sidi Moumen, il y a la pauvreté, il y a le chômage, il y a l’analphabétisme marocain à la puissance dix. Le terrorisme, c’est une affaire de pauvres alors? Mais il y a le milliardaire Oussama Ben Laden… et il y a à Casablanca même, «ces jeunes qui se promènent en 4x4 avec des filles qui portent le foulard jusque-là», jusqu’au ras des yeux, rappelle l’un de mes collègues marocains. De fervents musulmans eux aussi. Tout autant probablement qu’Omar et Mohamed disaient l’être. Mais iraient-ils jusqu’à s’enlever la vie, et peut-être celles d’innocents, soi-disant au nom d’Allah? Encore une fois, difficile d’être catégorique. Car à Londres, à Madrid, à New York, il y avait des ingénieurs, des informaticiens parmi les kamikazes…
***
Toute la matinée, les curieux se sont massés autour du périmètre de sécurité près d’où Mohamed et Omar se sont faits exploser. La police était désorganisée. Les différents corps de police n’arrivaient pas à se coordonner: les piétons ne pouvaient pas circuler… mais les voitures continuaient leur route, presque comme si de rien n’était. Pendant ce temps, dans l’édifice en construction, les policiers recherchaient d’autres suspects, possiblement eux aussi bourrés d’explosifs et prêts à passer à l’acte.
Alerte à quelque part dans le périmètre. Une partie de la foule se sauve. L’autre se rapproche. Les réactions face au danger divergent. La curiosité peut souvent l’emporter sur le réflexe de protection (et c’est le journaliste qui parle…). Non, la panique, la détresse, ce n’est pas ce qu’on pouvait lire sur le visage de la majorité des Casablancais curieux. Beaucoup riaient, s’amusaient. Excitant la course aux terroristes, non? Quand la police arrêtait ou semblait arrêter un suspect – qui, je le répète, était peut-être bourré d’explosifs – on se ruait autour. On applaudissait.
Deux morts. Omar et Mohamed Maha. Mais pour plusieurs, un divertissement qui réchauffait bien pour le match de soccer Casa-Rabat de l’après-midi…
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Mardi dernier, trois de leurs copains – ou du moins frères d’armes – traqués par la police dans un quartier populaire de la métropole marocaine, s’étaient aussi fait exploser. Un autre avait été abattu par balle. Trois, quatre, six, et un autre le 11 mars dans un cybercafé. Sept. Et il y a le policier qui est mort dans l’explosion de l’un des kamikazes mardi. Huit morts en un mois. Un carnage à Montréal ou à Paris. Une goutte d’eau à Baghdad.
Le bilan, de toute façon, on s’en fout. Les morts ne veulent rien dire si on ne fait que les compter. La veille, j’avais justement passé la soirée à débattre avec des journalistes marocains sur les motivations des kamikazes. Pourquoi des jeunes qui disent être de fervents musulmans se font-ils exploser alors qu’ils savent bien (ou non?) que leur acte sera dénoncé par l’écrasante majorité de leurs concitoyens et correligionaires? N’importe quel chauffeur de taxi de Casablanca vous dira que ce ne sont pas de bons, pas de vrais musulmans, ces «terroristes», que Dieu ne cautionne pas ce genre d’action. Le même chauffeur qui pourtant, lui aussi déteste les États-Unis, fait ses cinq prières par jour et ne rêve que d’aller faire son hadj, son pélerinage à La Mecque. Alors ce n’est pas l’Islam?
Tous les kamikazes étaient originaires du même quartier populaire – très populaire – en périphérie de Casablanca. À Sidi Moumen, il y a la pauvreté, il y a le chômage, il y a l’analphabétisme marocain à la puissance dix. Le terrorisme, c’est une affaire de pauvres alors? Mais il y a le milliardaire Oussama Ben Laden… et il y a à Casablanca même, «ces jeunes qui se promènent en 4x4 avec des filles qui portent le foulard jusque-là», jusqu’au ras des yeux, rappelle l’un de mes collègues marocains. De fervents musulmans eux aussi. Tout autant probablement qu’Omar et Mohamed disaient l’être. Mais iraient-ils jusqu’à s’enlever la vie, et peut-être celles d’innocents, soi-disant au nom d’Allah? Encore une fois, difficile d’être catégorique. Car à Londres, à Madrid, à New York, il y avait des ingénieurs, des informaticiens parmi les kamikazes…
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Toute la matinée, les curieux se sont massés autour du périmètre de sécurité près d’où Mohamed et Omar se sont faits exploser. La police était désorganisée. Les différents corps de police n’arrivaient pas à se coordonner: les piétons ne pouvaient pas circuler… mais les voitures continuaient leur route, presque comme si de rien n’était. Pendant ce temps, dans l’édifice en construction, les policiers recherchaient d’autres suspects, possiblement eux aussi bourrés d’explosifs et prêts à passer à l’acte.
Alerte à quelque part dans le périmètre. Une partie de la foule se sauve. L’autre se rapproche. Les réactions face au danger divergent. La curiosité peut souvent l’emporter sur le réflexe de protection (et c’est le journaliste qui parle…). Non, la panique, la détresse, ce n’est pas ce qu’on pouvait lire sur le visage de la majorité des Casablancais curieux. Beaucoup riaient, s’amusaient. Excitant la course aux terroristes, non? Quand la police arrêtait ou semblait arrêter un suspect – qui, je le répète, était peut-être bourré d’explosifs – on se ruait autour. On applaudissait.
Deux morts. Omar et Mohamed Maha. Mais pour plusieurs, un divertissement qui réchauffait bien pour le match de soccer Casa-Rabat de l’après-midi…
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5 commentaires:
ok....maintenant que je suis inscrite...
Et voici le Fred 2.0 !
Les bloggueux ont un nouvel adepte ! ;-)
Héhé !
Sans farce, félicitations mon cher.
Je suis ravi de te lire, de voir tes photos...
Toujours intéressant.
JTom
Tres intéressant et facile a imager grace a la magie de ton écriture.
Salut Fred,
Décidément, tu as le tour d'être là où les choses se passent. La prochaine fois que tu viens passer du temps à Québec, je me pousse avant la catastrophe ;).
Sans blague, bienvenu dans la blogosphère, on a hâte de te lire.
Salut Fred,
Effectivement, les raisons qui poussent tous ces kamikazes à agir restent fort bien incomprises. Il nous faut enclencher un processus de réflexion profonde que personne ne semble faire à l'instant, peu importe le pays. Ça semble être la peur qui domine le débat (si on peut le qualifier de débat) pour le moment...
J'aime bien le côté plus personnel de tes blog-reportages, j'ai hâte de lire la suite.
à bientôt drug moi,
Matiushenka
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