samedi 13 septembre 2008

Pays baltes: Au coeur de la nouvelle Europe

Dossier publié dans le cahier tourisme du journal La Presse, le 30 août 2008.

Frédérick Lavoie
La Presse
Collaboration spéciale

Visiter les trois États baltes en un seul voyage semble une évidence. Géographiquement, historiquement voire culturellement, ils ont toujours été étroitement liés. Mais la Lituanie, l'Estonie et la Lettonie ne sont pas pour autant du pareil au même. Chacun renferme ses propres trésors qui valent amplement le détour.

Logistiquement, le voyage est des plus simples. Réunis, les pays baltes dépassent à peine la superficie de la Floride. Il n'y a que 600 kilomètres entre la capitale lituanienne Vilnius et l'estonienne Tallinn. La lettone Riga se trouve à mi-chemin entre les deux. Depuis leur entrée dans l'espace Schengen en décembre dernier, on n'a même plus besoin de s'arrêter aux frontières.

Nous n'avions réservé aucun hôtel. Mais surprise! À notre arrivée à Vilnius un mercredi après-midi, la plupart des hôtels de l'avenue Gedimino, l'artère principale de la capitale, affichaient complet. Heureusement, de serviables réceptionnistes nous ont aidé à trouver un lit chez leurs concurrents. Malchance de l'arrivant peut-être, puisque nous n'avons plus eu de problèmes de logement pour le reste du voyage.

Cette courte galère a tout de même permis de dissiper les derniers doutes dans mon esprit, habitué au mauvais service à la clientèle des républiques ex-soviétiques: ici, l'URSS qui avait annexé de force les pays baltes à la fin de la Seconde Guerre mondiale est bien morte et enterrée. La parenthèse communiste est du passé. Depuis 1991, les Baltes ont les deux pieds dans l'Europe.

Les Soviétiques n'avaient de toute façon jamais réussi à complètement effacer les évidentes influences allemandes et nordiques présentes partout dans l'architecture et les mentalités de la région. Avec la chute de l'empire athée ont commencé la restauration des églises et la remise en valeur des édifices historiques maintes fois centenaires, comme ceux de la vieille ville médiévale fortifiée de Tallinn.

Visiter les pays baltes est aussi un bon remède contre le stress. Même Riga, la plus grande ville du coin avec ses 750 000 habitants est plus calme que Québec. Le reste de la région en vient à ressembler à une immense campagne parsemée de quelques villes provinciales et entourée de magnifiques forêts aux conifères longilignes.

La communication avec les habitants se déroule habituellement en anglais, à moins que vous connaissiez les microscopiques langues éponymes des trois pays. Héritage des envahisseurs, plusieurs parlent aussi le russe et l'allemand.

Côté sécurité, les Baltes n'ont rien à envier aux villes européennes de même taille.

Ne reste donc plus qu'à suivre le vent marin de la Baltique.

Lituanie
La vieille ville baroque de Vilnius est la plus grande du genre en Europe de l'Est. Bien que certains édifices datent de plus de six siècles, le vieux quartier dans son ensemble laisse une impression de modernité. Entre les ruelles étroites et quelques vastes rues pavées, la multitude d'églises et de temples (protestants, catholiques, orthodoxes ou juifs), nous fait goûter à l'oecuménisme de la ville. Avant la Seconde Guerre mondiale, Vilnus comptait l'une des plus importantes communautés juives d'Europe, presque entièrement exterminée par les nazis.

La rancoeur envers les envahisseurs du passé se ressent dans l'ancienne prison du KGB, transformée en musée de l'occupation 1941-91. À travers les cellules exiguës, les chambres d'isolement et celle d'exécution, on revit l'humiliation d'un peuple soumis à son puissant voisin.

Du haut de la colline Gedymin, près de l'ancien château en ruines, la vue sur les toits d'argile de la vieille ville est inoubliable. En regardant l'ensemble architectural, on comprend pourquoi Vilnius a été choisie capitale culturelle européenne en 2009.

La première capitale de Lituanie, à une trentaine de kilomètres de Vilnius, est la destination idéale pour une escapade d'une journée . Pour nous rendre au magnifique château en briques rouges, isolé sur une petite île, nous avons préféré la chaloupe au pont. Entre les cygnes, sur le lac Galvé, nous avons pagayé autour de l'île, sous les saluts des bambins lituaniens en visite d'école et le paysage majestueux de la forteresse par temps clair. Un musée disséminé dans les ailes du château retrace l'histoire de la Lituanie.
L'isthme de Courlande

Longue bande de terre étroite sur la Baltique, l'isthme de Courlande est le joyau naturel de la Lituanie et son principal lieu de villégiature. Les longues plages de sable blanc n'en sont que la pointe de l'iceberg. Une promenade à travers les immenses dunes qui occupent une bonne partie du rivage de l'isthme laisse un goût de désert. À chaque pas son paysage.

À Nida, le dernier village lituanien de l'isthme (une partie appartient à la Russie), nous avons loué des vélos pour une journée afin de parcourir la piste cyclable de 30 kilomètres qui mène à Juodkranté. Sur le chemin du retour, nous avons été interpellés par les cris stridents de l'impressionnante colonie d'oiseaux marins à la sortie de cette petite localité. Les sommets de centaines d'arbres morts sont occupés par les nids de plus de 6500 cormorans et hérons gris.
Estonie

Dans la vieille ville de Tallinn, on se croirait au beau milieu d'un conte médiéval, avec des bâtiments bien préservés. L'atmosphère anachronique entretenue par les commerçants, souvent habillés en costumes d'époque, n'a étrangement rien de kitsch. Malgré la grande quantité de touristes, les marchands semblent toujours prendre un grand plaisir à expliquer l'origine et les propriétés de l'artisanat sur leurs tablettes. Tallinn se découvre ainsi par les mots de ses habitants, potiers, souffleurs de verre, menuisiers d'art. On a l'impression de vivre avec eux le conte réel de cette ville aussi pittoresque qu'accueillante.

Face à la féérique Tallinn figée dans des temps anciens, Tartu donne un goût de la "vraie" Estonie. Principal centre du savoir du pays et de l'identité nationale estonienne, Tartu vit au rythme de sa grande et réputée université. Le cinquième de ses 100 000 habitants y étudie. Sur la place de l'hôtel de ville, la statue des deux jeunes amoureux qui s'embrassent sous un parapluie reflète bien le charme paisible et enjoué de cette petite ville provinciale. Comme à Tallinn, les oeuvres d'artisanat y pullulent, mais à des prix beaucoup plus abordables que dans la capitale.

Lettonie

La capitale de la Lettonie, Riga, est l'épicentre de la région. Lorsque les touristes anglais venus célébrer un enterrement de vie de garçon ne la prennent pas d'assaut, la métropole balte est plutôt calme. À travers le dédale de ses élégantes maisons colorées de différentes époques, les édifices de style Art nouveau donnent une prestance certaine au «Paris du Nord». Seule tache dans le paysage, l'horrible bâtiment soviétique près de l'hôtel de ville. Il porte toutefois bien sa laideur, puisqu'il abrite le musée de l'Occupation de la Lettonie par les Allemands et les Soviétiques. En sortant du labyrinthe de la vieille ville, on entre dans un quadrilatère, qui fait quelque peu penser à Montréal, avec ses longues rues à l'horizon infini.

Du centre-ville de Riga, il faut moins de 40 minutes en train de banlieue pour atteindre la station balnéaire de Jurmala, avec ses vastes plages de sable blanc. Hormis peut-être un été éternel, les côtes de Jurmala n'ont rien à envier à n'importe quelle plage du sud des États-Unis. Les kiosques de la charmante petite rue centrale qui relie les différents villages sont certainement le meilleur endroit pour faire le plein de souvenirs lettons.

À une heure à l'est de Riga, la petite ville de Sigulda est réputée pour ses châteaux médiévaux et sa piste de bobsleigh. Or, c'est la grotte de Gutmanis, la plus grande des pays baltes, qui impressionne le plus. La friabilité de ses parois de pierre rouge ferreuse a permis aux visiteurs conquérants de graver leur nom, voire leurs armoiries pour les plus nobles, au fil des siècles. La grotte devient ainsi un immense livre d'or retraçant près d'un demi-millénaire de visites humaines. Aujourd'hui, les autorités interdisent toute inscription pour ne pas endommager les fragiles parois. De la grotte, les chemins à travers la forêt mènent jusqu'au château mi-délabré de Turaida, en pleine reconstruction.

Repères

Les prix

Il faut compter environ 2500 $ par personne pour un voyage de deux semaines, incluant hébergement et nourriture.

Hébergement

Les prix en hôtel et en chambre d'hôte sont comparables à ceux d'Europe de l'Ouest. Il est rarement possible d'obtenir une chambre double pour moins de 150 $ dans les capitales. Le service, le confort et le charme des établissements sont toutefois pratiquement irréprochables. Par contre, les lits en dortoir dans les auberges de jeunesse y sont souvent jusqu'à deux fois moins chers (environ 15 $ CAN) qu'en Europe occidentale.

Nourriture

Peu chères, les assiettes copieuses, ingénieuses (du saumon avec sauce aux bananes?) et délicieuses de Vilnius restent longtemps en mémoire.

Transports

En deux semaines, nous avons parcouru plus de 1500 km en train et en autocar pour un total de... moins de 100 $ par personne. Et ce, malgré un prix de l'essence plus élevé que chez nous. Dans les villes, un trajet dans les transports en commun coûte au plus 1,40 $. Le meilleur moyen de découvrir les petites cités baltes demeure toutefois la marche. Après 14 jours de voyage, notre podomètre indiquait 251 383 pas, soit près de 200 km... Pour un billet d'avion Montréal-Vilnius avec retour de Tallinn, il faut compter environ 1250 $.

Les à-côtés

Les pays baltes sont réputés pour leur ambre. Vous trouverez sensiblement les mêmes accessoires et bijoux dans tous les petits kiosques de la région, mais les meilleurs prix sont en Lituanie.

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