Article publié dans le cahier Affaires de La Presse, le vendredi 19 septembre 2008
Lavoie, Frédérick
Collaboration spéciale
Moscou - Bombardier a dû cesser les ventes de tous ses avions commerciaux en Russie, ses clients ne pouvant obtenir de certificat de navigabilité pour ses appareils. Selon la société, elle se frotte à un "protectionnisme" dans le marché de l'aviation russe qui vise à favoriser la société d'État Soukhoï.
Depuis plus d'un an, la société aérienne Tatarstan ne peut utiliser les six CRJ900 qu'elle a achetés en mai 2007 à Bombardier au coût de 217 millions US. Même si plus de 180 appareils de ce type sont déjà en commande ou en service ailleurs dans le monde, les autorités russes refusent de délivrer les certificats de navigabilité. Inutile donc pour Bombardier de vendre d'autres appareils si les transporteurs ne peuvent les faire voler.
Personne n'a osé lui dire directement, mais Sergueï Ermolaev, représentant principal de Bombardier en Russie, a bien compris le jeu. "Ce n'est pas seulement Soukhoï. Dans l'ensemble (du marché), c'est une question de protectionnisme."
Pour l'instant, les pourparlers qu'il a menés avec les responsables gouvernementaux n'ont rien donné. "Nous espérons que le gouvernement et l'industrie russes comprendront que le marché ici est tellement grand et qu'il y a de la place pour leurs avions et pour ceux de Bombardier", dit-il, d'un ton diplomate.
À son avis, la décision des autorités russes n'est pas logique d'un point de vue économique.
"Soukhoï n'en est qu'au stade de développement de son programme (pour un nouvel appareil) alors que nos avions sont déjà prêts! Et c'est maintenant que les exploitants régionaux ont besoin de la technologie", plaide-t-il, en rappelant la hausse du prix du carburant qui a rendu très coûteux les vieux modèles. Sur les lignes intérieures russes, la moyenne d'âge des appareils est d'environ 30 ans.
M. Ermolaev a même suggéré un compromis aux autorités russes. "Nous avons proposé que les transporteurs utilisent nos avions sur une base temporaire et qu'ensuite, elles changent pour des Soukhoï." Solution refusée.
Heureusement pour Bombardier, les millionnaires pleuvent depuis quelques années dans le plus grand pays du monde. Les ventes de jets privés, qui eux peuvent tout simplement être certifiés à l'étranger, ne cessent d'augmenter.
En 2002, 60% des avions privés vendus par Bombardier l'étaient aux États-Unis et le reste en Europe. L'an dernier, 70% partaient pour l'Europe. Sans vouloir préciser l'apport de la Russie dans cet inversement de tendance, la société assure qu'elle y est pour beaucoup.
Pas question de s'en aller
Malgré ces embûches et la crise financière actuelle, pas question donc pour Bombardier de se retirer du marché russe. "Si nous avons choisi d'être stratégiquement sur ce marché, c'est parce que nous regardons sur un horizon de 15 ou 20 ans", explique M. Ermolaev, en marge de la Mission Russie 2008, qui a fait découvrir les potentiels du marché russe à une vingtaine d'autres entreprises québécoises cette semaine.
Dans le secteur ferroviaire, Bombardier a ainsi créé trois coentreprises avec des sociétés russes au cours des dernières années. En mai, une quatrième entreeprise commune a vu le jour, en partenariat avec Transmasholding. Elle cherchera à mettre au point un nouveau modèle de locomotive pour le marché russe.
Bombardier a aussi présenté un projet pour la construction d'un nouveau train léger aérien à Saint-Pétersbourg. La société québécoise souhaite également participer aux futurs appels d'offres pour la construction des installations olympiques pour les Jeux de Sotchi de 2014.
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