Article publié dans le journal La Presse le 2 juillet 2008 et sur cyberpresse.ca
Frédérick Lavoie
La Presse
Collaboration spéciale
Moscou
Quatre attentats en deux jours, accusations de «terrorisme d'État»: la tension monte dans la république autoproclamée d'Abkhazie, point central de la lutte d'influence que se livrent la Géorgie pro-occidentale et la Russie dans le Caucase.
Dimanche, le centre-ville de Gagra a été réveillé par deux explosions qui ont blessé six femmes. Cette station balnéaire très prisée de la mer Noire se trouve à quelque kilomètres à peine de la frontière russe et des futures installations olympiques des Jeux d'hiver de Sotchi 2014.
Lundi, deux autres bombes ont explosé dans le marché central de la capitale Soukhoumi, blessant six autres civils, dont un touriste russe.
Le président abkhaze Serguei Bagapch a tôt fait d'accuser les services secrets géorgiens d'avoir commandité ces attentats, dénonçant un «terrorisme d'État».
Le gouvernement géorgien du pro-américain Mikheïl Saakachvili a catégoriquement nié les accusations, avançant que les auteurs sont plus probablement liés au crime organisé abkhaze.
En entrevue téléphonique avec La Presse, le vice-ministre des Affaires étrangères abkhaze Maxim Goundja se montre plus nuancé que son président. «Nous n'avons pas de preuves pour l'instant (contre les Géorgiens), reconnaît-il. Nous ne faisons que regarder la situation objectivement. Ceux qui ont commis ces attentats ont intérêt à ce que nous ayons moins de touristes», dit-il, soulignant que l'économie abkhaze repose essentiellement sur le tourisme et l'agriculture.
M. Goundja rappelle que des attentats similaires ont été commis à plusieurs reprises sur le territoire abkhaze depuis son indépendance de facto, après la guerre de sécession de 1992-1993 contre la Géorgie. Dans certains cas, les autorités abkhazes affirmaient tenir des preuves que les personnes arrêtées étaient des agents géorgiens.
Hier, l'Abkhazie a complètement verrouillé sa frontière avec la Géorgie, déjà très difficile d'accès. Au cours des dernières semaines, des incidents entre les forces de maintien de la paix russes qui y sont postés et les soldats géorgiens avaient déjà fait craindre des violences.
Mais les dommages à la fragile économie abkhaze sont déjà faits, déplore Maxim Goundja. «Plusieurs touristes russes ont déjà annulé leur séjour chez nous.»
Jeu géopolitique
De facto indépendante, l'Abkhazie n'est reconnue par aucun État, même pas la Russie, son seul allié économique et militaire.
L'indépendance du Kosovo en février et l'intention de la Géorgie de joindre prochainement l'OTAN, deux choses auxquelles s'oppose férocement Moscou, ont poussé la Russie à raffermir ses liens avec l'Abkhazie sécessionniste.
Dans cette lutte géopolitique, les autorités de la petite république indépendantiste ne jouent pratiquement qu'un rôle de figuration, souligne Marina Elbakidze, analyste de conflits à l'Institut du Caucase pour la paix, la démocratie et le développement. «La Géorgie croit que c'est avec la Russie qu'elle doit régler ce conflit» pour rétablir son intégrité territoriale.
Abkhazie
- Population: environ 250 000 habitants (plus de 90% ont la citoyenneté russe)
- Géographie: 8600 km2, longeant la côte est de la mer Noire.
- Capitale: Soukhoumi (47 000 hab.)
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