Texte publié dans La Tribune de Genève le 8 février 2010.
Le chef de l’opposition Viktor Ianoukovitch a remporté hier le deuxième tour de l’élection présidentielle ukrainienne. Selon les sondages à la sortie des urnes, celui-ci aurait obtenu entre 48 et 50% des voix, contre 44-45% pour son adversaire, la première ministre Ioulia Timochenko. Détail piquant: plus de 5% des électeurs ont voté contre tous les candidats.
Ironie de l’histoire: c’est la deuxième fois que Viktor Ianoukovitch remporte un deuxième tour d’élections présidentielles. Mais, en 2004, le «candidat du Kremlin» d’alors n’était pas devenu président pour autant. Renversé par les manifestations monstres de la Révolution orange, dont Ioulia Timochenko était l’une des figures de proue, il avait dû concéder un troisième tour, gagné par Viktor Iouchtchenko.
Cette fois, c’est la bonne pour ce russophone de 59 ans, qui a purgé 3 ans de prison dans sa jeunesse pour vol, coups et blessures. L’homme ayant été exclu du pouvoir national depuis plus de deux ans, il sera difficile pour sa rivale de convaincre qu’il aurait massivement falsifié l’élection d’hier, malgré les résultats serrés.
Ioulia Timochenko entend tout de même descendre dans les rues avec ses partisans dès aujourd’hui. Elle veut contester l’élection en se basant sur quelques irrégularités observées et la confusion qu’ont entraînée les changements à la loi électorale votés jeudi au parlement, à l’initiative du Parti des régions de Ianoukovitch.
Pour faire contrepoids, le gagnant a déjà prévu une manifestation devant la Commission centrale électorale à Kiev ce matin, où il attend 50 000 de ses fidèles.
Apathique et désabusée par des années de guerres interclaniques au pouvoir, la population ne risque toutefois pas de suivre massivement les appels à manifester des candidats comme ce fut le cas en 2004, selon la plupart des observateurs ukrainiens. Après une bataille juridique et des négociations avec le camp Timochenko, Viktor Ianoukovitch devrait donc être investi en tant que quatrième président de l’Ukraine indépendante.
Entre cynisme et scandales
La journée électorale d’hier aura été à l’image de la campagne et de la vie politique ukrainienne: cynique, houleuse et semée de scandales. Avant même le début du vote, le cadavre d’un représentant de l’équipe Timochenko a été retrouvé à Ivano-Frankisk, dans l’ouest du pays. Les porte-parole de la première ministre ont rapidement lié à l’élection le décès de ce secrétaire de commission électorale locale, affirmant qu’il avait été tué en voulant défendre un coffre-fort rempli de bulletins de vote, attaqué par des voleurs. Les policiers avaient une tout autre version. L’homme serait plutôt décédé d’une crise cardiaque, bien loin de tout bureau de vote.
A Lougansk, un fief de Ianoukovitch à l’extrême ouest du pays, les travaux ont été perturbés dans au moins neuf bureaux de vote en raison d’appels à la bombe, y réduisant sensiblement le taux de participation. D’autres bureaux de vote ailleurs dans le pays ont été touchés par de longues coupures de courant. Mais, en dépit des quelques incidents observés, la commission électorale ukrainienne estimait hier en fin d’après-midi que l’élection se déroulait tout de même assez normalement.
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