mardi 4 mars 2008

Dur lendemain d'élections pour les opposants à Moscou

Dernier texte de la série électorale, publié dans La Presse le 4 mars 2008 et sur Cyberpresse.ca

Frédérick Lavoie
La Presse
Avec l’Agence France-Presse
Moscou

Tatiana regarde les opposants se faire arrêter un à un par les milliers de policiers massés sur la place Tourgueniev de Moscou. « Le nouveau président fête sa nomination ! » lance avec ironie cette professeure de russe.

À l’initiative de la coalition l’Autre Russie de l’ancien champion d’échecs Garry Kasparov, les opposants au régime de Vladimir Poutine sont sortis dans les rues hier pour dénoncer la « farce » de l’élection présidentielle de dimanche, facilement remporté par Dmitri Medvedev (70 % des voix), le dauphin du président sortant.

À Saint-Pétersbourg, les 3000 participants à la « Marche du désaccord », dont Garry Kasparov, ont pu manifester avec l’accord des autorités. À Moscou toutefois, une cinquantaine de ceux qui ont osé se présenter à l’événement non autorisé ont terminé la journée derrière les barreaux.

En fait, difficile de parler d’une quelconque manifestation : aucun slogan n’avait encore été scandé que les policiers avaient déjà commencé à interpeller brutalement des opposants, sous les regards incrédules de plusieurs dizaines de journalistes, en bonne partie étrangers. Les forces de l’ordre sont même parties à la chasse à l’homme dans un McDo adjacent à la place. Des manifestants qui y étaient retranchés ont été jetés dans un autobus de la police, direction le centre de détention.

« Un policier s’est approché de mon mari et lui a dit qu’il était un « représentant du pouvoir » et qu’il voulait voir ses pièces d’identité », raconte Maïa Polikova, bibliothécaire dans la trentaine. « Mon mari a répondu qu’il voulait d’abord voir ses papiers et ils l’ont emmené ! » Mme Polikova croit que le macaron qu’arborait son mari, à l’effigie de Vladimir Boukovski, l’un des candidats de l’opposition interdit de se présenter à la présidentielle, est à l’origine de l’arrestation.

Le chef de l’Union des forces de droite Nikita Belykh et la porte-parole de l’Autre Russie, Marina Litvinovitch, ont aussi été arrêtés, même s’ils n’ont pris la parole que devant les journalistes, sans jamais s’adresser aux personnes rassemblées.

« Ces fascistes, ils font cela (les arrestations) avec notre argent en plus ! » s’indigne Tatiana, en voyant une dame dans la soixantaine bousculée par les policiers et entraînée dans l’un des autobus.

Le défenseur des droits de l’homme Andreï Mironov ne s’étonnait pas de la réaction du pouvoir face à une opposition déjà très faible. « Ils veulent montrer qu’ils peuvent buter jusque dans les chiottes, » dit-il, en référence à la célèbre phrase du président Poutine qui menaçait alors les terroristes tchétchènes. « Il dirige par l’humiliation, en nous faisant comprendre qu’ils ont déjà tout décidé et que nous ne sommes personne ».

Les forces de l’ordre n’ont pas expliqué les motifs des arrestations, ni la raison de la fermeture de la place. Quelques minutes avant l’heure prévue de la manifestation, La Presse s’est informée à un policier antiémeute de son sentiment face à la possibilité d’avoir à tabasser des protestataires pacifiques. « Nous les éduquons », a-t-il répondu, en faisant balancer sa matraque.

Dans un autre coin de la capitale, le mouvement de jeunesse pro-Kremlin Nachi (« Les Nôtres ») avait rassemblé des milliers de jeunes – certains contre leur gré selon l’Agence France-Presse – pour fêter la victoire de Dmitri Medvedev. Les forces de l’ordre n’ont pas nui à l’événement.
Medvedev félicité

Malgré les accusations d’irrégularités formulées notamment par l’ONG russe Golos et la mission d’observation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Dmitri Medvedev a reçu les félicitations de plusieurs pays occidentaux hier.

À Washington, un porte-parole de la Maison-Blanche a déclaré que les « États-Unis ont hâte de travailler avec (Medvedev) », sans commenter toutefois l’élection en elle-même.

Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a déclaré avoir « confiance que sous la direction du président Medvedev, l’Union européenne et la Russie consolideront et développeront leur partenariat stratégique ». Il n’a pas porté de jugement sur le caractère démocratique du scrutin.
Selon l’entourage du vainqueur, le président français Nicolas Sarkozy s’est entretenu hier soir avec Medvedev et l’a « chaleureusement félicité » pour sa « victoire convaincante. »

La République tchèque a été l’un des rares pays à critiquer les « pratiques restrictives » qui auraient eu lieu durant l’élection.

Au moment de mettre sous presse hier soir, le gouvernement canadien n’avait toujours pas réagi à l’élection de Dmitri Medvedev.

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