lundi 16 juillet 2007

Chronique d’errance #9: Nostalgie


Écrite et enregistrée le 16 juillet 2007 dans la cuisine du sixième étage du korpus 4 de l’Université d’État des sciences humaines de Moscou, Russie (хроника написанна и записанна 16-ого июля 2007 в кухне 6-ого этажа 4-ого корпуса РГГУ, Москва, Россия)


Il faut du courage pour revenir sur un lieu de bonheur trop fort, trop intense.

Il faut du courage, parce que ça ne sera plus jamais pareil. Mais c’est plus fort que nous, on doit y retourner.

Le décor y est encore, presque inchangé. Des détails différents, le cadre est un peu usé. Mais pour nos yeux, tout ce qui est visible, ce sont les souvenirs d’un temps hors du temps, parce que plus fort que le temps.

On pose les pieds à l’endroit précis d’une émotion qui fut trop forte. On revoit ces personnes qui en furent responsables. Leur sourire, leurs larmes, leur âme ouverte à n’en plus finir parce qu’il y a de ces lieux, de ces situations, où il est impossible d’être autre chose que soi. Soi à vif, à vive allure.

La vie quotidienne n’était pas banale dans ces lieux, parce qu’il y avait ces êtres qui nous imprégnaient de leur ouverture d’âme, étroitesse de couloir oblige.

L’amitié, l’amour, la cuisine, la fête, le temps à perdre savouré à plein esprit.

Un univers bancal en parfait équilibre avec notre instabilité de coeur. Plus fort. Plus fort. C’est tout ce qui comptait. Et à nous de vivre avec les dommages collatéraux, les coeurs échoués, les renversés, les survoltés; à nous de vivre avec les coeurs arrivés, les coeurs usés, ceux qui doivent partir, se détacher.
***
On revient un jour à ces endroits hors du temps, peut-être pour faire le point. Sur le temps. Celui d’après cette période trop forte, celui d’avant même, et surtout, sur cet instant de notre vie qui nous a tant apporté et qui ne sera plus. Une sorte de deuil, de ce présent passé, où l’on regarde ce qu’il reste dans notre présent de ce passé.

On sourit, la nostalgie dans le tapis, à la moindre réminiscence de banalité quotidienne ou de surréalité émotive ponctuelle.

On se sent faible un instant, dépourvu de ce présent.

Mais non, il ne faut pas. Parce qu’on est aujourd’hui, grâce à lui, plus fort. On sait ce que c’est le bonheur. Le nôtre. On sait mieux par où aller pour le trouver.

On porte ce passé terminé en nous, profondément ancré. Et avec lui, on continue à avancer sur notre route sinueuse de vie. Plus fort. Plus fort de soi.

Si le futur est incertain, le passé, lui, nous appartient. Et rien ne pourra nous l’enlever.

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