Série diffusée à l'émission un Dromadaire sur l'épaule (Radio suisse romande) du 6 au 10 septembre 2010.
Oulan-Bator: vie urbaine en terre nomade
Le journaliste Frédérick Lavoie nous fait découvrir la vie des habitants de la capitale mongole Oulan-Bator, entre traditions nomades et réalités sédentaires.
Yourte perdue dans les paysages lunaires infinis, nomades à cheval rassemblant leurs bêtes disséminées dans la steppe. Le romantisme de la vie mongole fait rêver.
Mais depuis la chute du communisme en 1990, la réalité est loin d'être aussi rose pour les descendants de Gengis Khan. Ne pouvant plus compter sur l'aide de l'État après une série d'hivers rigoureux, des centaines de milliers de nomades quittent la steppe pour planter leur yourte dans les faubourgs pollués et insalubres de la capitale.
Résultat: en 20 ans, la population d'Oulan-Bator est passée de 540 000 habitants à entre 1,1 et 1,6 million selon les estimations. Ironiquement, la moitié des trois millions de Mongols s'entassent donc aujourd'hui dans la capitale de l'État le moins densément peuplé du globe.
À flanc de collines, autour d'un centre-ville à l'architecture socialiste, les quartiers de yourtes en constante expansion ceinturent la capitale. Dans ces agglomérations poussiéreuses, des jeunes professionnels rêvent d'un appartement, d'études à l'étranger ou d'un boulot dans l'industrie minière mongole en plein développement. D'autres voient plutôt la ville comme un passage obligé, espérant amasser rapidement assez d'argent pour s'acheter un troupeau et retourner à une vie nomade.
Si les traditions mongoles sont tenaces malgré l'urbanisation galopante, cette société asiatique isolée demeure étonnamment libérale. Sans tabou, les jeunes rockers aux cheveux longs échauffent leur public avec leur musique lourde d'inspiration occidentale. Dans la foule, des skinheads mongols font le salut hitlérien, rappelant que si la Mongolie est ouverte, les étrangers n'y sont pas toujours les bienvenus, surtout s'ils viennent de la menaçante Chine voisine.
Après deux décennies post-communistes relativement tranquilles, la démocratie mongole se cherche toujours. Sur la place Suukhbaatar, devant le parlement et une énorme statue du conquérant Gengis Khan, des citoyens en colère bravent le froid pour rappeler au gouvernement ses promesses non tenues.
1/5: Vie de yourte (écouter ou télécharger l'émission)
Habit et coiffure bien soignés, valise à la main, des milliers de professionnels franchissent au petit matin la porte de leur yourte dans les faubourgs insalubres de la capitale. Direction: centre-ville d'Oulan-Bator.
Torbat, jeune travailleur social, rêve d'un appartement en ville et d'études à l'étranger. En attendant, il habite avec sa femme Ankhtsetseg et son bébé dans une yourte toute équipée: frigo, télé, micro-onde, poêle et... aquarium.
Originaire de la campagne, Torbat adore la vie urbaine, plus facile et plus diversifiée que celle que connaît son frère éleveur nomade. Il déteste toutefois les quartier de yourtes, où l'air vicié par les fumées de charbon et de bois de chauffage est irrespirable dès l'arrivée des grands froids. Il compte mettre toute son énergie à bâtir une vie meilleure pour ses enfants, quitte à sacrifier la sienne.
L'invitée: Gaëlle Lacaze
Ethnologue, spécialiste de la Mongolie. Maître de conférences en ethnologie à l’Université de Strasbourg. Auteur en 2006, du guide Mongolie : Pays d'ombres et de lumières aux éditions Olizane.
Gaëlle Lacaze nous parle des quartiers de yourtes qui ceinturent la capitale Oulan Bator, où s'entassent des centaines de milliers d'anciens éleveurs nomades. Elle nous raconte les conditions de vie extrêmement précaires, la destructuration sociale et l'absence total de perspectives dans ces banlieues de yourtes.
2/5: Fragile démocratie (écouter ou télécharger l'émission)
Dans le froid intense du mois d'avril 2010, plus de cinq mille Mongols descendent sur la Place Suukhbaatar, place centrale d'Oulan-Bator, pour réclamer la démission du gouvernement.
À leur tête, Ouyanga, 34 ans, femme menue et hypercharismatique. Entourée d'hommes imposants, la leader du mouvement civil dénonce la corruption d'un gouvernement qui a perdu la confiance populaire selon elle en ne remplissant pas ses promesses électorales.
Blotti dans une tente installée sur la place, l'ancienne journaliste déclenche avec huit compagnons une grève de la faim. Affaiblie, elle parle de ses ambitions pour une Mongolie à la démocratie toujours chancelante, 20 ans après la chute du communisme.
Quatorze jours plus tard, les autorités viendront interner de force les grévistes à l'hôpital.
Invité: Jacques Legrand
Jacques Legrand, professeur de langue et littérature mongoles, est aujourd’hui président de l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO). Il est l'auteur de nombreux livres sur l’histoire, la culture et la langue mongole, dont un dictionnaire français-mongol (Monsudar, Ulaanbaatar, 2007).
Jacques Legrand nous parle de l’évolution de ce pays qu'il parcourt depuis 1967. Il nous raconte les bouleversements liés à la chute du communisme, à l’arrivée de l’économie de marché, au déclin du nomadisme et à la découverte d’immenses richesses dans le sous-sol mongol. L'occasion d'écouter les sonorités très particulières de la langue mongole.
3/5: En mémoire de Gengis Khan (écouter ou télécharger l'émission)
Croix gammée dans le cou, Gansouren assure être ni fasciste, ni nazi. Il est nationaliste. Comme l'était en son temps son héros, Gengis Khan, le plus grand conquérant mongol.
Dans une salle de gym, où il enseigne le taekwondo, le leader de Khoukh Mongol (Bleu mongol) parle des attaques de son organisation nationaliste contre des employeurs chinois "irrespectueux" et de sa grande vision d'unité pour le peuple mongol. Sa femme Otguirid, entraîneuse d'haltérophilie, explique l'importance du sport pour démontrer la force de sa nation.
Invitée: Françoise Aubin
Françoise Aubin est directeur de recherche émérite au CNRS et au Centre de recherche sur l’Extrême-Orient de Paris-Sorbonne.
Elle nous explique pourquoi Gengis Khan est un héros national en Mongolie alors que l’Occident le présente toujours sous la forme d’un barbare sanguinaire. Elle nous raconte qui était Gengis Khan et comment il a lui-même construit sa légende.
4/5: Heavy mongol (écouter ou télécharger l'émission)
C'est soir de fête pour le groupe culte Nisvanis. Pionniers du rock mongol, ils célèbrent leur14e anniversaire sur scène. D'autres formations plus jeunes viennent leur rendre hommage.
Amgalan, le chanteur de Nisvanis, est tout sourire. Il se rappelle des débuts, alors qu'il était difficile de trouver des instruments à Oulan-Bator et que sa musique inspirée de Nirvana faisait fuir les foules.
Sunny, leader de la formation The Lemons, a eu de la difficulté à faire accepter à ses parents son choix de devenir musicien rock, une occupation pas très payante dans la peu populeuse Mongolie. Mais aujourd'hui, avec ses airs de star, il se produit régulièrement en Chine et au Japon.
Ougui est le grand manitou de la scène rock mongole. C'est lui qui organise tous les spectacles. Si la vie de rock star ne conduit pas à la fortune en Mongolie, il se réjouit au moins que la société soit assez libérale pour ne pas le juger pour ses cheveux longs et ses fringues gothique.
Invité: Grégory Delaplace
Grégory Delaplace, anthropologue, mène une recherche post-doctorale à l’Université de Cambridge (Mongolia and Inner Asia Study Unit) en Angleterre, sur les morts et les "choses invisibles" en Mongolie contemporaine. Depuis 1999, ses enquêtes de terrain à la capitale et dans le Nord-ouest du pays, auprès d’une population de pasteurs nomades, l’ont conduit à s’intéresser à des sujets aussi divers que la nouvelle pratique urbaine du feng shui, l’historiographie de la collectivisation et le rap mongol.
Grégory Delaplace est l’auteur de "L'invention des morts. Sépultures, fantômes et photographie en Mongolie contemporaine", Collection Nord-Asie, supplément aux Études Mongoles & Sibériennes, Centrasiatiques & Tibétaines, Paris, 2009.
Grégory Delaplace nous parle de la culture rock en Mongolie, un de seuls milieux à résister au nationalisme qui a suivi la fin du communisme et la reconstruction d’une identité "purement" mongole. Il nous présentera des groupes ultra célèbres comme Mohanik ou Tatar, leur vision de la société mongole, leurs revendications dans un pays en profonde mutation.
5/5: Nomades dans l'âme (écouter ou télécharger l'émission)
Chaque année, des milliers de nomades quittent la vie d'éleveurs pour s'installer dans les faubourgs pollués et insalubres de la capitale. Plus par nécessité que par choix.
Dans l'un des quartiers de yourtes encore sans électricité, Batchtolong nivelle son terrain nouvellement acquis, sur lequel il habitera avec sa mère Ningoui. Pour ce poseur de climatiseur de 26 ans, la ville n'est qu'un passage obligé. Son rêve: s'acheter un troupeau et retourner vivre dans la steppe comme ses ancêtres.
À 450 km de là, dans la province de Boulgan, Tomurbaatar et Otgon ne quitteraient pour rien au monde leur rude vie nomade. Même s'ils ont perdu la moitié de leur troupeau durant le rigoureux hiver 2010, la télévision leur a appris que la vie ne serait guère mieux dans la capitale, où règne le chômage, la pollution et la maladie. Dans leur yourte perdue, au moins, ils sont les "seuls à respirer l'air ambiant" à des kilomètres à la ronde, plaide Otgon.
L'invitée: Tsogzolmaa Sambuu
Tsogzolmaa Sambuu organise des voyages touristiques en Mongolie qui travaille notamment avec l’agence suisse Espace Est-Ouest. Elle nous donne les dernières nouvelles de la capitale Oulan Bator.
1 commentaire:
Oh! Bonne nouvelle. La série sur Vladivostok était excellente. On devrait se régaler avec celle sur Oulan-Bator.
Merci pour le très bon travail que vous faites.
Publier un commentaire