Article publié dans La Presse le 28 septembre 2010
La plus grande bataille politique des 10 dernières années en Russie a pris fin hier. Le puissant maire de Moscou Iouri Loujkov a été limogé par le président Dmitri Medvedev, dont il avait «perdu la confiance». Ce ne sont pas les accusations de corruption et de mauvaise gestion qui auront eu raison de l'extravagant magistrat... mais le fait qu'il ait osé critiquer le chef de l'État, explique notre collaborateur.
Moscou - En arrivant à son bureau hier matin, Iouri Loujkov a appris qu'il n'était plus maire de la capitale depuis quelques minutes. Le président Dmitri Medvedev venait de publier sur son site internet sa lettre de congédiement. Avec effet immédiat.
Le premier magistrat de la capitale de 10 millions d'habitants aurait pourtant dû s'y attendre. Depuis trois semaines, il n'était plus dans les bonnes grâces du chef de l'État.
En cause: un article signé de sa main dans lequel il critiquait de manière à peine voilée le leadership de Medvedev, insinuant qu'il préférait celui du premier ministre Vladimir Poutine, ancien président et toujours homme fort du pays.
S'ensuivit une campagne médiatique pour le discréditer. Après des années de silence télévisuel sur ses présumées malversations, les chaînes contrôlées par le Kremlin ont rivalisé d'originalité pour noircir l'image du coloré maire: corruption, négligence, favoritisme envers sa femme entrepreneure devenue milliardaire durant les 18 ans de règne de son mari... Tous les coups étaient permis.
La semaine dernière, en accord avec le Kremlin, Iouri Loujkov est allé réfléchir sur son avenir en Autriche où il se retrouvait officiellement en famille pour célébrer son 74e anniversaire. À son retour au travail lundi, tous les observateurs s'attendaient à sa démission. Mais le politicien acharné n'en démordait pas: il ne quitterait pas son poste de son propre chef.
Poursuites en vue?
Pour la première fois en deux ans de présidence, Medvedev a donc eu à renvoyer un dirigeant régional récalcitrant. La loi le lui permet entièrement depuis l'abolition des élections des gouverneurs par son prédécesseur Poutine en 2004. Au cours des derniers mois, tous les autres dinosaures régionaux avaient choisi de quitter «volontairement» le pouvoir, en échange d'un poste symbolique ou d'une retraite dorée à l'abri de la justice.
La question que se pose désormais le Tout-Moscou: après cet affront au président, le système judiciaire russe «redécouvrirait»-il soudainement les malversations de l'ère Loujkov?
Une chose est certaine, le maire déchu ne pourra pas compter sur Vladimir Poutine pour tempérer un chef de l'État blessé dans son orgueil. Hier, le premier ministre a fait savoir qu'il appuyait entièrement la décision présidentielle.
Quelques noms circulent pour remplacer Iouri Loujkov. On sait déjà que le prochain maire de la capitale sera plus docile que son bouillant prédécesseur: tous les candidats doivent leur carrière politique au tandem Poutine-Medvedev.
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