Publié dans le journal La Presse le 3 juillet 2009.
Lavoie, Frédérick
Collaboration spéciale
Moscou - La rue Nouvel Arbat, au coeur de Moscou, a perdu son éclat. Mardi soir, les lumières de sa demi-douzaine de casinos, frappés par l'interdiction des jeux de hasard dans le pays, se sont éteintes. Désormais, les parieurs devront soit se rendre dans quatre "Las Vegas" russes à des milliers de kilomètres de Moscou, soit miser en ligne.
Irina Ioureva ne croyait pas que Vladimir Poutine était sérieux lorsqu'il a signé en 2006 une loi interdisant les jeux de hasard dès le 1er juillet 2009. L'industrie, qui rapporte un milliard de dollars en recettes fiscales par année, était trop lucrative pour que l'État ose s'y attaquer.
Mais Poutine, alors président, voyait plutôt le jeu comme une forme "d'intoxication de la population" au même titre que l'alcool, et une industrie idéale pour le blanchiment d'argent par le crime organisé.
"Nous avons pris conscience seulement au début de l'année que nous devrions fermer", a confié la directrice du Super Slots avant-hier matin. La veille à 19h, les derniers clients avaient quitté l'établissement. "C'est dommage. Tellement de gens perdent leur emploi", dit Mme Ioureva. Selon le gouvernement, ils sont environ 11 000 croupiers et autres employés à se retrouver à la rue, dont près de la moitié dans la capitale. Les représentants de l'industrie parlent plutôt de 400 000 personnes.
Pour éviter une vague de mécontentement, les autorités se sont empressées de proposer des emplois aux nouveaux chômeurs. Mais bien peu sont prêts à devenir serveur ou gardien de sécurité après avoir perdu un emploi mieux rémunéré. Les salaires les plus bas oscillaient entre 800 et 2000$ par mois dans les casinos, alors qu'ils dépassent rarement 600$ dans la restauration.
En dépit de la grogne chez les ex-croupiers, plus de 70% des Russes se disent favorables à cette interdiction, selon un sondage mené par la firme Profi Online Research.
Près de la moitié des répondants ont pourtant indiqué avoir joué au moins une fois à un jeu de hasard au cours des six derniers mois. Pour assouvir leur soif du jeu, 60% d'entre eux affirment qu'ils pourraient se tourner vers les sites de pari en ligne.
Les plus mordus pourront toujours se rendre dans l'une des quatre zones spéciales où les jeux de hasard seront permis. Mais bien peu de riches Moscovites risquent de préférer les casinos de l'Altaï (Sibérie), de Rostov, de Kaliningrad ou encore de Vladivostok (Extrême-Orient), à ceux des capitales européennes...
D'autant plus que ces zones ne sont pas prêtes à accueillir un afflux de parieurs. Des investissements estimés à 40 milliards de dollars seraient nécessaires pour en faire de vrais "Las Vegas" russes, mais l'industrie n'envisage pas pour l'instant pas de miser sur la rentabilité de ces projets.
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